12-le langage de l'esprit


Je ne m'étais jamais senti aussi bien de ma vie !

JE NE PENSAIS PLUS !

Rien ! Plus rien ! La tête vide !

Et légère, si légère !

C'était fascinant. Je "fonctionnais" tout à fait normalement : je bougeais, j'agissais, je faisais mes courses... mais sans penser ! Je me sentais pleinement vivant - plus vivant que jamais je ne l'avais été, j'étais pleinement conscient - plus conscient que jamais je ne l'avais été, mais il n'y avait plus de pensées ! Le mot le plus approprié qui me vient pour nommer ce que je ressentais est : Béatitude.

Il est très difficile de décrire cet état de félicité. Je me souviens que j'avais l'impression de regarder dans deux directions opposées en même temps. Je voyais bien sûr toujours normalement devant moi, ce qui me permettait de fonctionner normalement dans le monde, mais, en même temps, je regardais aussi "dans ma direction", le regard tourné vers moi, à la source de lui-même. Cette partie de mon attention restée ainsi fixée vers moi-même, comme ancrée à la source de ma conscience, avait pour conséquence de totalement neutraliser la rumination cérébrale ! [J'ai déjà décrit cet "auto-regard" ICI.] Alors que cela semble impossible, j'avais donc l'impression de fonctionner simultanément sur deux modes totalement opposés, la flèche de mon attention étant à la fois dirigée devant moi et vers moi, tournée vers l'extérieur et retournée vers l'intérieur ! Et ce, sans aucun effort cérébral ou de concentration, de façon totalement naturelle, spontanée et détendue !

Je ne sais plus exactement combien de temps cette expérience a duré, mais au moins 24 heures. Je me souviens m'être dit "ça y est, j'ai atteint l'éveil spirituel ! c'est si simple en fait !"... puis le deuxième jour commencer à avoir peur du retour du mental, me crisper à cette perspective, le sentir repointer le bout de son nez, me crisper d'autant plus, et bien évidemment je fus vite ramené à mon état "normal"...

Vous voudriez sûrement savoir ce qui avait provoqué cet "éveil" ! Au risque de vous décevoir, c'était une conjonction de différents facteurs personnels non reproductibles (dont, j'en suis convaincu, une visite amicale de l'au-delà), donc l'important n'est pas là. Tout comme j'ai moi-même par la suite dû faire le deuil d'arriver à revivre de façon permanente cet état, ce serait autant vain que malsain, encore un piège de l'ego lui-même, de chercher compulsivement à atteindre artificiellement, par contrainte, cet éveil. Ce n'est pas ce que je veux promouvoir ou pointer ici.

La première chose que nous apprend cette expérience vécue, c'est que le penser est un instrument ! Et manifestement un instrument surfait. Il n'est pas constitutif de "qui je suis", il ne me définit pas spirituellement, ce qui met à mal le fameux "Je pense, donc je suis" de Descartes. En vérité c'est l'inverse, en tout cas dans la matière ; au-delà, je suis toujours mais je ne pense plus, puisque je n'ai plus de cerveau terrestre qui puisse former des pensées.

Toutefois je ne veux pas dire par là que nous ne devrions pas avoir à penser, car dans la matière nous avons besoin de communiquer, partager, exprimer nos attentes, nos besoins, nos convictions ; et même dans cette expérience, je n'étais pas devenu télépathe ! Je pouvais toujours utiliser la parole comme langage pour entrer en relation, et la parole ce sont des mots verbalisés, des pensées condensées. Ici sur terre c'est indispensable ! Comment pourrais-je écrire ce texte sinon ? Mais ce que me montrait et prouvait mon expérience, c'est que d'une part je n'avais pas autant besoin de penser que je le croyais ou que j'en avais l'habitude, et d'autre part que le mode fondamental de mon être d'appréhension des choses était au-delà du penser.

Le langage de l'intellect, produit du cerveau et instrument de mon esprit, ce sont les pensées. Mais le langage primordial de l'esprit (désignant toujours sur ce site le noyau spirituel de mon être, "ce que je suis vraiment"), ce sont les IMAGES !

C'est ce que je n'avais pas encore mentionné concernant mon expérience vécue et qui en constitue à mes yeux la leçon la plus essentielle.

Comment pouvais-je fonctionner normalement dans le monde alors que je ne pensais plus ? Tout se passait en IMAGES ! Ce sont des images qui venaient "à mon esprit", ou plutôt de mon esprit à ma conscience, me rappelant même les choses les plus prosaïques : une démarche à ne pas oublier, des courses à faire...

Vous connaissez sûrement cela : vous avez, disons, un rendez-vous important, à une certaine heure, qu'il ne vous faut pas oublier, alors dès le matin vous y pensez, ou plutôt vous programmez, contraignez votre intellect pour y penser, pour vous le rappeler dans la journée, et plusieurs fois dans la journée ça vous revient en tête, "il faut que j'y pense tout à l'heure"... Eh bien, dans l'état sans pensées où j'étais, il y avait juste une image, une seule fois, au moment opportun, l'image du RDV me donnant le signal du départ, tel un "ah, c'est l'heure d'y aller !", donc j'y allais alors. Ou bien l'image du supermarché pour m'indiquer d'aller faire des courses. C'est tout. Aucun encombrement mental inutile avant. Le silence intérieur. L'image. Le silence intérieur. L'action. Vous imaginez la différence ?

C'est à la fois une impression d'être téléguidé, comme si le mental ne servait plus à rien, plus besoin de réfléchir, juste à suivre les instructions, mais pourtant avec un sentiment de totale liberté, légèreté, et d'une telle simplicité ! Devenir l'instrument de soi-même !

C'est le langage de notre esprit, donc en fait on fonctionne toujours comme cela, seulement c'est tellement aussitôt récupéré et recouvert à l'excès par notre cerveau intellectuel que nous perdons cette légèreté et détente qui devrait être naturelle. L'image a été condensée, transformée immédiatement en pensées, et ensuite on reste à tourner et retourner en pensées... C'est la rumination, non nécessaire. Ce n'est que dans de rares exceptions que l'on a encore conscience de cette vivante image première, lors d'une intuition/prémonition ou d'un fort ressenti, suffisamment forts pour subsister tel quel quelques fractions de seconde.

Encore une fois, la condensation en pensées est un processus naturel à l'origine, sur terre. D'ailleurs je dois dire que j'avais quand même par moments quelques "pensées" lors de cette expérience sans pensées. Mais elles étaient tellement éthérées par rapport aux pensées habituelles, si légères, qu'il m'est difficile d'employer le même mot pour en parler.  Aucune comparaison avec nos pensées modernes, si lourdes ! Cela prouve que mon cerveau antérieur fonctionnait toujours en arrière-plan, mais montre bien de façon générale ce que nous avons perdu en légèreté dans notre assujettissement à l'intellect et tristement gagné en densité...

Cette supériorité de l'image sur la parole est bien connue. Elle fait le succès de la télévision et de tous les écrans, et constitue le média favori de toute propagande ou tentative de manipulation mentale (publicité p. ex.). Les techniques de mémorisation font aussi largement appel à l'utilisation d'images, plutôt que de mots, comme moyens mnémotechniques. Essayez, vous verrez que c'est plus facile de retenir quelque chose en le visualisant ! On peut aussi penser aux techniques de "visualisation créatrice" en développement personnel... Notez toutefois qu'il ne s'agit plus là d'images premières formées par le ressenti spirituel, mais d'images mentales créées par l'imagination ; elles ne possèdent de ce fait absolument pas la même force vitale, et donc jamais la même valeur ni le même effet. A l'opposé, tous ceux qui arrivent à communiquer avec les animaux témoignent que l'échange se fait par images vivantes : ils envoient des images et reçoivent des images. J'ai longtemps eu des chats, et combien de fois il m'est arrivé d'avoir l'image de la bonne porte de la maison où attendait mon chat, avant même qu'il commence à s'y manifester en grattant ou miaulant ! Tous les amoureux des animaux se reconnaîtront.

Ainsi efforçons-nous le plus possible d'accueillir en images. Sans aussitôt plaquer une réflexion ou un jugement mental sur ce que l'on vit (regarder la beauté d'une fleur sans chercher à verbaliser le ressenti). Entraînons-nous à nous accorder des temps de sans penser plutôt que de penser sans cesse. Couplons-les avec les temps pris à ne rien faire, tout aussi essentiels ! Nous nous renforçons ainsi spirituellement, tout en mettant à profit la puissance transformatrice du silence intérieur.